Par quels procédés peut-on faire reculer les déserts médicaux ? Voilà une question qui préoccupe depuis des années bon nombre d’élus locaux, souvent démunis de réponses. Pour les aider à développer l’accès aux soins sur leur territoire, les sénateurs Philippe Mouiller (Les Républicains) et Patricia Schillinger (La République en marche) ont rendu public, le 20 octobre, un rapport d’information (1) dans lequel ils dressent des pistes possibles.

Cette « boîte à outils », comme ils la surnomment, est la synthèse d’une consultation menée pendant six mois auprès de 50 acteurs directement concernés et observateurs du secteur. Sur les 12 recommandations préconisées par le document, 7 s’adressent aux élus territoriaux et 5 autres à l’État. Un État à qui incombe la politique générale de santé, notent les auteurs, mais qui n’a toujours pas su répondre à ce défi de l’égalité dans l’accès aux soins.

 

Miser sur les liens et l’accueil

Fort heureusement, les communes et leur regroupement disposent de plusieurs levers d’actions en la matière. Les élus locaux, par exemple, peuvent bâtir le plus en amont possible des centres ou maisons de santé « partenariaux », en étroite concertation avec les professionnels de santé. Des liens entre les collectivités territoriales et les facultés de médecine peuvent aussi être renforcés de sorte qu’il y ait, par exemple, des antennes universitaires dans chaque département, voire un label universitaire dans les maisons de santé.

La troisième recommandation des sénateurs a déjà fait ses preuves dans les zones sous-médicalisées : elle consiste à favoriser l’installation de professionnels de santé via des dispositifs incitatifs (bourses financières ou salariat). Autre option : attirer les médecins par une aide individualisée et familiale, notamment dans la quête d’un logement pour le professionnel et d’un emploi local pour son conjoint.

 

Faire le bon choix

Les rapporteurs encouragent aussi les élus à développer des « instances locales de dialogue et de concertation dans le domaine de la santé ». Pour cela, il leur faut tout à la fois favoriser la généralisation des contrats locaux de santé (CLS) sur leur territoire, et celle des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Ces dernières sont d’ailleurs sur une bonne pente de développement : en septembre 2019 on en comptait 400, pour 671 en juin 2021.

Enfin, outre la mise en œuvre de dispositifs de télémédecine (recommandation « uniquement souhaitable en dernier recours, lorsqu’aucune solution alternative ne paraît envisageable »), les rapporteurs appellent les élus à « rechercher l’échelon pertinent pour la mise en œuvre des projets de santé ». Ils recommandent, particulièrement à ceux des petites communes, de bien évaluer la « soutenabilité financière » de leurs ambitions avant de s’engager. Tout comme de bien mesurer la complexité technique et juridique des dispositifs, car il en va de leur responsabilité.

 

Mieux impliquer les collectivités locales

Afin de rendre réalisables les pistes locales suggérées, l’État doit y mettre du sien « pour favoriser leur pleine expression », souligne le rapport. Impossible donc de ne pas associer les élus à la stratégie nationale mise en œuvre pour un accès égalitaire des soins. Laquelle nécessite « l’établissement d’un bilan des installations et des départs des professionnels de santé ainsi qu’une cartographie précise de l’offre de soin. » Or, actuellement, ces outils de pilotage font défaut, déplorent les sénateurs.

Grâce aux observations réalisées par les représentants locaux, un débat national sur la formation et la liberté d’installation des médecins pourrait être tenu en vue de parfaire cette stratégie de réduction des inégalités territoriales en matière de santé. Une globale réflexion État/collectivités locales sur les risques de compétition entre les territoires permettrait d’aller de surcroît dans le même sens.

La quatrième recommandation vise à renforcer le « rôle facilitateur » des agences régionales de santé (ARS). Celles-ci pourraient, par exemple, se doter d’une direction spécifique pour échanger avec les élus. Autre recommandation : pourquoi ne pas confier aux délégations départementales un rôle d’interface avec ces derniers ?

Enfin, la dernière préconisation avance, tout simplement, l’idée de mieux associer les instances territoriales à la politique des ARS. Encore faut-il que : le poids des élus soit renforcé au sein du conseil de surveillance ; que les attributions de ce dernier soient élargies, et que les collectivités locales soient pleinement associées à la détermination des déserts médicaux. Autant d’options qui n’ont pas cours actuellement, note le rapport, alors qu’elles apparaissent plus que légitimes.

 

(1) – « Les collectivités à l’épreuve des déserts médicaux : l’innovation territoriale en action »