De quelle façon les Français appréhendent-ils le risque de devenir un jour dépendants ? Quels moyens de prise en charge ont-ils anticipés, ou pensent-ils disposer, pour faire face à leur éventuelle perte d’autonomie ? D’instructifs éléments de réponses à toutes ces questions sont apportés par les résultats d’une étude (1) publiés en juillet dernier dans le n° 34 de Questions Politiques Sociales (QPS).

En premier lieu, indique la revue éditée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), une majorité de Français juge « probable », voire « très probable », de devenir un jour dépendant : ils sont 7 répondants sur 8 à considérer que le risque de cette éventualité est supérieur à au moins 50 %. Pour 5,6 % des sondés, il s’agit même d’une certitude. Cette perspective n’est d’ailleurs pas forcément le fait des personnes vieillissantes, puisqu’on retrouve ce ressenti à peu près équitablement dans toutes les classes d’âge.

 

Un besoin anticipé d’aides

Les résultats laissent, en revanche, apparaître d’autres critères. Par exemple, plus on est diplômé, plus la dépendance semble envisagée. Il en est de même lorsqu’on a été confronté à celle d’un proche (63 % des répondants de moins de 80 ans sont dans ce cas), ou lorsque son propre état de santé se trouve dégradé.

Côté pratique, 60 % des personnes interrogées de moins de 80 ans jugent qu’elles devront être aidées dans certaines de leurs tâches (ménage, course, préparation de repas) une fois cet âge-là atteint. L’évaluation est de 35 % pour les soins personnels (toilette, habillage, prise des repas) et de 32 % pour l’aide administrative (gestion du budget et des papiers). Et 22 % des sondés jugent probable ou très probable la nécessité d’un recours afin que l’on « vérifie ce qu’ils font », en cas de défaillance cognitives (maladie d’Alzheimer, par exemple).

 

Prêts à faire des sacrifices

En matière d’aide familiale, l’enquête laisse apparaître que les répondants font confiance à leurs proches s’ils devenaient dépendants : 73 % de ceux qui sont en couple estiment pouvoir compter sur leur conjoint, quand 6 % pensent ce recours impossible.

Pour une majorité, l’option du partenaire est en tout cas préférée au recours d’un professionnel en cas de besoin de 2 heures d’aide par jour. Quant aux personnes interrogées ayant des enfants, et pas forcément à domicile, 56 % apprécieraient leur soutien. Un soutien que plus des ¾ espèrent occasionnel, alors que 13 % le conçoivent comme régulier.

Cette solidarité entre conjoints devrait être a priori assurée, si l’on en croit d’autres réponses au questionnaire. En effet, pour faire face à la perte d’autonomie de leur compagne ou de leur compagnon, 86 % des personnes en couple se sont déclarées prêtes à faire des sacrifices dans leur vie personnelle ou professionnelle. Seul leur propre état de santé de santé pourrait les empêcher dans leur intention : les personnes en « très bonne santé » admettent un tel sacrifice dans 91 % des cas, contre 78 % lorsqu’elles sont en « assez mauvaise santé » ou « très mauvaise santé ». Quoi qu’il en soit, les répondants sont majoritairement prêts à accepter les sacrifices de leur partenaire si cela leur évite de finir en maison de retraite.

 

Financement : l’insuffisance des pensions

Quand l’aidant familial fait défaut, la prise en charge de la dépendance est généralement assurée par les professionnels, que ce soit via les aides à domicile ou dans les établissements spécialisés. A ce titre, les répondants ont une idée floue des coûts occasionnés pour une prise en charge à domicile. Pour ce qui est des maisons de retraite, 90 % d’entre eux en situent le coût mensuel entre 1 500 et 3 500 €. Aussi, 90 % des personnes interrogées pensent que leur seule pension ne peut assurer un tel financement, à moins de rencontrer des difficultés.

Contre tout attente, « ce résultat est valable sur l’ensemble de l’échelle des revenus », observe la CDC. Et quand bien même elles mobiliseraient l’ensemble de leurs ressources, deux-tiers des personnes affirment qu’elles ne parviendraient toujours pas à pleinement honorer leur dû.

 

Des aides publiques méconnues

En vue de financer l’entrée en maison de retraite, la participation des enfants est majoritairement écartée par les répondants : seuls 12 % en évoquent la possibilité. Autres solutions envisageables : puiser dans l’épargne personnelle (citée dans 57 % des cas) et vendre ses biens immobiliers (58 %), lesquelles varient évidemment selon le niveau de vie. Le recours à l’aide sociale publique est quant à lui peu mentionné : seuls 39 % des répondants font, par exemple, allusion à l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa). Ce qui traduit « une probable méconnaissance » de son fonctionnement, estime la Caisse des dépôts et consignations. Un paradoxe quand on sait que 69 % des personnes interrogées estiment que le premier financeur de la perte d’autonomie doit d’abord être l’Etat, tandis que 29 % considèrent que ce rôle doit revenir à la personne dépendante elle-même, et 2 % seulement à sa famille.

En revanche, « l’idée de la mise en place d’une assurance obligatoire de la perte d’autonomie (à l’instar de ce qui se pratique déjà en matière d’assurance automobile) est régulièrement évoquée », indique la synthèse de l’enquête : 72 % des personnes y sont favorables, à supposer que cette assurance garantisse à tous une prise en charge de qualité. Une option que les personnes en mauvaise santé plébiscitent davantage que celles en très bonne santé (77 % contre 67 %).

 

1 – L’ étude « Patrimoine et préférences vis-à-vis du Temps et du risque » s’appuie sur une exploitation de la vague 2020 de l’enquête Pat€r (PATrimoine et préférences vis-à-vis du TEmps et du Risque), financée par la Caisse des dépôts.