« C’est incroyable d’étudier le système solaire ! On a l’impression d’être un scientifique, même si on n’en est pas un », s’exclame Ethan, élève de troisième au Collège Evariste-Galois de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine). Sa classe participe ce jeudi 10 juin à un atelier d’astronomie à la Maison d’initiation et de sensibilisation aux sciences (MISS), basée sur le campus de l’université Paris-Saclay, à Orsay (Essonne). « Observer les planètes, je trouve ça ludique », témoigne plus timidement Valentine.

Intitulé « Sur les pas de Galilée », cet atelier propose une mission très spéciale à ces collégiens. Ils doivent aider l’Agence spatiale européenne à déterminer la meilleure trajectoire de sa sonde dans le cadre de la mission d’exploration Juice (JUpiter ICy moons Explorer), qui sera lancée en 2022, à Kourou, en Guyane. Son but : procéder à des observations détaillées du système jovien, autrement dit de Jupiter et de ses quatre plus gros satellites, découverts au XVIIe siècle par Galilée. Io est le satellite le plus proche de cette planète, suivi d’Europe, Ganymède et enfin, Callisto, le plus lointain.

« Il faut sept ans pour aller sur Jupiter. Vous aurez donc presque mon âge lorsque nous recevrons les premières données », plaisante l’animateur Adrien Laviron face aux adolescents. Féru d’astronomie, ce doctorant en physique au laboratoire Irène-Joliot-Curie, situé à proximité, coanime cette journée avec trois autres doctorantes afin de faciliter le travail en petits groupes.

Sciences : de la théorie au concret

Immergés dans cette aventure spatiale, les jeunes se prêtent volontiers au jeu de leur contribution virtuelle. Pour mener à bien leur tâche et scruter le mouvement de Jupiter et de ses principaux satellites, ils commencent par acquérir des notions d’optique et assemblent ensuite une lunette astronomique, outil qui leur permettra de passer à l’expérimentation.

« En manipulant les objets, on comprend mieux les sciences, tout devient plus concret », remarque Charline. « C’est super cool ! Avant, je ne savais pas ce qu’était une lentille et encore moins une distance focale », lance Ethan, qui souhaite devenir informaticien. Son copain Mathias enchaîne : « Ce qui me plaît vraiment, c’est la pratique. J’apprends plein de choses sur le fonctionnement des loupes, des jumelles et des télescopes. Je ne connaissais pas ce domaine, car on ne l’avait pas vu en cours. »

« C’est nouveau pour eux, car il n’y a plus trop d’optique au programme du collège. C’est dommage », regrette Delphine Aubry, leur professeure de physique-chimie. Cette enseignante est déjà venue à plusieurs reprises à la MISS avec différentes classes, qui ont pu matérialiser la théorie. « Certains de mes élèves ont participé à l’atelier sur la science des bateaux, et toutes les formules sont soudain devenues très claires, raconte-t-elle. Ils ont réalisé que la physique ou les mathématiques ont un intérêt dans la vraie vie. »

La MISS propose de nombreux ateliers à destination des 8-15 ans : couleurs du nano-monde, bulles et mousses, molécules à cuisiner, mathématiques et botanique, roches et eau, vie dans le sol, musique et science… Hors période de pandémie, 3 500 à 4 000 enfants sont accueillis chaque année. Le financement de cette structure est assuré par la région Ile-de-France, l’université Paris-Saclay, à travers notamment l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay et CentraleSupélec, également présentes sur le campus, ainsi que par le CNRS.

Démarche scientifique

« Nous essayons de les mettre dans la peau d’un scientifique pendant une journée. Aujourd’hui, les enfants effectuent des mesures, comme le ferait un astrophysicien qui observe le ciel ! », s’enthousiasme Valérie Fortuna, directrice de la MISS et rattachée au Centre de nanosciences et de nanotechnologies d’Orsay. « La démarche scientifique est au cœur de nos ateliers. Ils sont tous créés avec le même enjeu : expliquer aux élèves un concept dans un contexte ludique, puis les initier aux sciences en leur faisant découvrir ce qu’est un chercheur, sur quoi il travaille et comment», précise-t-elle. « C’est très important de leur montrer ce que nous faisons au sein de la faculté de sciences et de les sensibiliser à la démarche scientifique, car le travail du chercheur reste souvent méconnu », renchérit Adrien Laviron.

Midi, bientôt l’heure du déjeuner. Avant le pique-nique, les collégiens se hâtent de sortir, excités par une activité inédite. Devant le bâtiment ensoleillé, ils vont suivre la progression de l’éclipse solaire, qui a débuté à 11h13 en région parisienne et atteindra son maximum à 12h12. Elle n’est que très partiellement visible en métropole. Tous se protègent les yeux pour contempler la Lune se placer entre la Terre et le Soleil, dont elle vient lentement cacher le bord supérieur. Le personnel de la MISS leur diffuse aussi des images en direct du Canada. Là-bas, l’éclipse a formé un anneau lumineux complet autour du disque lunaire sombre, grâce à un alignement parfait de la Terre avec les deux astres.

 Maquette à l’échelle

Après cet interlude, direction Jupiter. Les adolescents ont désormais l’œil rivé sur l’objectif de leur lunette astronomique. Ils ont bien en tête les apprentissages de la matinée. Un astronome Playmobil et des astres miniatures les ont aidés à visualiser le positionnement de Jupiter et de ses satellites dans l’espace.

La moitié du groupe fait la mise au point sur une maquette disposée à 80 mètres, à l’extérieur de l’édifice, pendant que l’autre moitié effectue une recherche documentaire et une vérification des sources. Leur chronomètre en main, tous pourront analyser les périodes de rotations des satellites et inscrire les relevés sur leur livret.

« Dans cette maquette, construite à l’échelle, la vitesse de rotation des satellites autour de Jupiter est proportionnelle à la vitesse réelle du système jovien. Les élèves se retrouvent donc dans les mêmes conditions qu’une observation au télescope, à la différence qu’ils peuvent le faire en plein jour », explique Séverine Martrenchard, médiatrice scientifique à la MISS et référente de cet atelier. « Le système solaire, c’est tellement vaste ! C’est hyper intéressant d’en découvrir une partie, d’apprendre de quoi sont composés ces satellites… C’est important pour notre culture personnelle », affirme Inès, habituellement moins attirée par les sciences.

 De futurs citoyens éclairés

« Notre ambition n’est pas d’inciter tous ces jeunes à devenir des scientifiques. Il s’agit plutôt d’en faire des citoyens éclairés, qui se posent des questions et se rendent compte que la science est utile », ajoute Valérie Fortuna. Pour Lise Ramambason, doctorante au département d’astrophysique du CEA Paris-Saclay, cette intention constitue « l’ADN de la MISS » : « L’idée est qu’ils puissent acquérir des outils de réflexion et un certain esprit critique, dans le but d’analyser les nombreuses informations qu’ils reçoivent tous les jours, notamment via les médias. »

L’atelier touche à sa fin. Les collégiens comparent leurs résultats. « Ils n’obtiennent jamais les mêmes mesures, ce qui nous permet d’expliciter les notions d’incertitude, de barres d’erreur, de reproductibilité des expériences et de vérification par plusieurs personnes, indique Séverine Martrenchard. Même s’ils ne retiennent pas tout, cette culture scientifique irradiera toute leur vie de citoyen. Ils parviendront ainsi à faire la distinction entre un fait scientifique et des croyances. »